dimanche 2 mars 2008

CAS - La récolte (2005)


Chronique publiée sur le site Abcdrduson.com en avril 2006.

Originaires d'Aix-en-Provence où ils se sont rencontrés il y a six ans, les deux membres du groupe CAS, le rappeur Caserio et le beatmaker Antes, ont sorti en ce début d'année 2006 leur premier album, "La Récolte". Une première sortie relativement inattendue et discrète puisque le groupe n'a fait que peu de concerts et n'a pas sorti de maxis au préalable, contrairement au cheminement traditionnel des formations de rap.

Parmi ses influences, le groupe cite la Cinquième Kolonne. Difficile en effet, à l'écoute de certains titres, de nier l'héritage des stéphanois. Caserio écrit souvent comme une "caméra urbaine", multipliant les thématiques lui permettant de se placer dans la peau d'un observateur neutre. C'est dans cette situation qu'il semble le plus à l'aise, comme sur les bons 'Dans le Bus' ou encore 'Assis Là part 1', dans lesquels il décrit des scènes observées respectivement dans un bus et dans un hall de gare.
La principale qualité du rappeur est d'avoir de bonnes, voire très bonnes idées, et une écriture agréable à suivre. Il sait conter des histoires simples avec humour et efficacité. Ainsi, 'Bonnes vacances', avec ses quatre petits récits sous forme de lettres plaît immédiatement par son originalité, de même que 'Fallin', histoire de drague foireuse sur une prod jazzy d'Antes.
En revanche, les titres moins "carrés", dans lesquels Caserio part dans des réflexions plus globales sur le monde, sur la nature humaine ou sur lui-même touchent beaucoup moins et paraissent même rater leur cible car le rappeur y force le trait, essayant vainement de régler son pas sur celui de Fisto ou de Sako. On en retient malheureusement des phrases qui sonnent souvent creux, comme sur 'Y Croire' ("J'ai erré sans espoir aux détours de relation, quand on s'entoure de désolation autour des actions. J'ai erré traînant ma poire mais à force on se paume, vivre comme une ombre mais non sans voir qu'on n'est pas homme").

Si l'écriture de Caserio est plaisante, son flow et ses placements laissent en revanche parfois à désirer, donnant une impression de manque de confiance en lui ou simplement de maladresse. Cela est assez frappant dans le premier couplet de 'Du Fond de la classe', lorsqu'il prolonge par exemple le "a" de "lucarnes" ou le "au" de "au collège". C'est d'autant plus regrettable qu'il se révèle bien plus habile sur d'autres titres, notamment sur les morceaux plus énergiques, réalisant de bons enchaînements de phases (l'excellent 'On The Rise' avec l'américain Nonsense). Ces quelques maladresses récurrentes ne plombent pas le disque mais empêchent néanmoins certains morceaux de décoller et de devenir excellents.

Car musicalement, il y a peu de reproches à faire. En creusant un peu, on regrettera le manque de dynamisme de certaines batteries, trop en retrait et effacées. Mais Antes s'affirme sur la totalité des titres de "La Récolte" comme un beatmaker talentueux et inventif. Puisant ses samples dans le jazz, la soul ou le rock, il parvient systématiquement à créer une instru autonome, ayant sa propre atmosphère, à laquelle le texte de Caserio vient s'adapter sans problèmes, toujours en adéquation avec l'ambiance dégagée par le beat. N'hésitant pas à apporter diverses évolutions à ses instrus, il évite soigneusement les boucles ennuyantes se répétant telles quelles pendant trois minutes trente.
Adepte des voix pitchées sans pour autant en abuser ('La Récolte', 'Y Croire' qui rappellera certaines prods de Kno, 'Fallin', l'excellent 'Assis Là part 2'), d'ambiances jazzy (là encore l'excellent 'Fallin' ou le très court 'Chez soi' avec son piano et ses cuivres discrets) et d'instrus tantôt mélancoliques (les divers échantillons de cordes qui parsèment le disque) ou dynamiques (les cuivres de 'On The Rise'), il bâtit un édifice musical varié, cohérent et extrêmement plaisant.
Quatre pistes instrumentales lui permettent de s'illustrer et de développer son style sans la présence d'un emcee, pour un résultat faisant mouche à chaque fois. On retiendra notamment le magnifique 'Graine de Glace', épique et mystique à souhait avec ses accélérations de beat, ses samples de cordes envoûtants et ses échantillons vocaux.

Finalement, le groupe CAS livre avec "La Récolte" un bon album, très agréable à défaut d'être excellent. Cela s'annonce très prometteur pour la suite, l'essentiel étant là (des prods, un emcee sympathique ayant des qualités d'écriture indéniables et de très bonnes idées) les principaux défauts semblant tout à fait rectifiables (quelques maladresses techniques, et la nécessité pour Caserio de s'affranchir un peu plus de ses modèles dans le choix de certains thèmes). Mais pour peu que ces légers faux pas soient corrigés, Caserio et Antes, âgés seulement d'une vingtaine d'années, ont les moyens de réaliser un album d'un très bon niveau.

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