samedi 15 mars 2008

A l'époque, tout le monde voulait tuer le rock. Et maintenant ?


Billet publié sur le site Abcdrduson.com en mars 2008.

Je me trouve donc en ce moment-même au tribunal d'Aix-en-Provence pour l'affaire qui oppose le groupe Suprême NTM au temps qui passe. Les juges viennent à l'instant de rendre leur verdict.

Visages burinés et baggies jeans. Cris rauques et souffle court. Jeudi soir, Kool Shen et Joey Starr annonçaient officiellement sur Canal + la reformation du Suprême NTM. Dix ans après son dernier album solo, le groupe remontera sur scène à Bercy les 18, 19 et 20 septembre prochains. Le prix des places serait situé entre 45 et 99 euros. Sans commentaires.

Pour cette annonce, ils avaient choisi le plateau du Grand Journal, animé par Michel Denisot. Le même qui avait plus ou moins lancé leur "carrière télévisuelle" il y a une grosse quinzaine d'années. Omar & Fred, Ramzy, Julia Channel, Olivier Besancenot, Jérôme Le Banner, Clothilde Courau et Pascal Obispo en invités-amis (sic) : autant dire que ça sentait les paillettes, contexte oblige. Tout le monde était vachement ému ; nous aussi, forcément un peu quand même. Enfants du rap, quoi. C'était mignon tout plein. Et triste en même temps. Comme un goûter d'anniversaire où tout le monde ferait un peu semblant, qui rappelle surtout que les années tuent, que le plus beau est derrière et ne pourra pas être vécu à nouveau.

Alors pourquoi ce come-back ? Besoin d'argent ? Réelle envie de remonter sur scène ? Nostalgie ? Sans doute un mélange de tout cela. Toujours est-il que cette annonce, habilement transformée en événement musical de premier ordre, a éclipsé l'autre actualité rapologique surréaliste du moment : le concert égyptien d'IAM pour fêter les vingt ans du groupe, aux pieds des pyramides, qui avait lieu hier après-midi. Best ofs, compilations, concerts-anniversaires pharaoniques, reformation... C'est comme si les deux plus grands groupes de rap français étaient rattrapés par le temps et, pour NTM, par la necessité de faire savoir qu'on est encore là. Sans le dire, même si la phrase de Joey Starr sur la médiocrité scénique du rap français actuel et la nécessité pour les vieux tontons "de montrer ce que c'est de faire bouger" [citation de mémoire, donc faillible] le laissait penser. Sous les pavés, la plage. Sous les fanfaronnades, l'ego.

Au final, deux constats s'imposent. Déjà, au vu de leur prestation live, Kool Shen et Joey Starr ont intérêt à taffer d'ici septembre, parce que c'est pas gagné, notamment pour le "funky babtou", en manque de souffle et presque largué sur 'Seine Saint-Denis Style'. Ensuite, ce genre de reformation-événement rappelle méchamment les procédés des vieux groupes de rock & roll, les mêmes sur lesquels il était de bon ton de cracher des années plus tôt. Le retour au même schéma, malgré tout. Reste que les regards joyeux que Shen lançait à son acolyte pendant le live ne trompaient pas : il était réellement heureux d'être là.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est toi sur la photo derrière Kool Shen, qui exulte et se frotte les mains en pensant déjà au billet que tu vas écrire hein ? Dis le que c'est toi ! :)

Julien a dit…

Hahaha, non non, mais j'avoue que j'aurais bien aimé vivre ça en vrai, par curiosité. Quoique...