mercredi 5 mars 2008

Donald Goines - Street Players (1973)


C'est en 1971, alors qu'il était en prison, que Donald Goines a écrit ses deux premiers romans.

Cet écrivain américain ne fera pas de vieux os : né en 1937, il sera abattu avec sa femme en 1974, apparemment pour une histoire de deal de drogue. Entre 1971 et 1974, il aura cependant trouvé le temps d'écrire une quinzaine de livres. Dans chacun d'eux, il retranscrit la vie des habitants des ghettos noirs d'Amérique, à Los Angeles, Detroit ou New-York, en prenant souvent pour personnages principaux des criminels, macs ou/et toxicos. Une vie que lui-même connaissait bien.

"Street Players" (1973) est son cinquième roman. Avec ce style toujours aussi froid et direct, il raconte la période de gloire puis la déchéance d'Earl The Black Pearl, maquereau de Detroit. Moins passionnant et marquant que "Enfant de Putain" ("Whoreson : the story of a ghetto pimp" en V.O.), paru l'année précédente, ce nouveau bouquin sur le thème de la prostitution et des rapports entre putes et maquereaux n'en reste pas moins un livre coup-de-poing.

Coup-de-poing, parce que Goines se refuse à tout effet de style : il ne cherche pas à en mettre plein la vue mais se contente de décrire des successions de scènes de la vie d'un pimp. La glandouille et les tournées de bars. Les relations difficiles avec la famille et les femmes. Le deal de drogue en dernier recours quand les fins de mois sont vraiment difficiles à boucler. Les amis jaloux dont il faut systématiquement se méfier.

La violence éclate mais reste froide, et les relations avec les autres (amis, prostituées, concurrents, flics) sont toujours dictées par des rapports d'autorité. Sans insiter lourdement, Goines parvient à nous faire ressentir ce que ce milieu a de malsain. Car l'auteur ne porte jamais de jugement moral sur ce monde et sur ce qui s'y trame. Il ne donne pas dans le commentaire mais dans la narration, dans la description. Le résultat est donc d'autant plus frappant.

La chute d'Earl est liée à ses rapports avec les femmes. C'est au fond ce qui reste de plus fascinant et surprenant dans les livres de Goines. Il existe une sorte de code de l'honneur implicite la plupart du temps, puis explicite lorsqu'il est transgressé, qui régit ces rapports. Une pute, même battue, préférera être fouettée à coups de ceintres plutôt que d'être virée - parce que cela ruinerait sa réputation dans la rue, mais aussi parce qu'elle est réellement attachée à son "homme". Et en cas de renvoi, sa réaction peut être terrible...

De la même façon, un mac doit éviter de tomber amoureux de ses employées, toujours rester distant pour conserver sa lucidité. Mais c'est l'une de ses ex-prostituées qui viendra en aide à Earl quand il sera au plus bas. La ligne entre amour, haine et soumission est ténue.

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