lundi 17 mars 2008

Les aveux de Noreaga


Billet publié sur le blog Details Matter en mars 2008.

"Hardcore comme reconnaître ses torts", rappait Kery James en 1998 sur l’album "Le Combat Continue" de son groupe Ideal J. Pas facile, en effet, de reconnaître qu’on s’est planté, et que si c’était à refaire, assurément on ferait autrement.

C’est ce qui rend le rappeur Noreaga, membre avec Capone du binôme C-N-N (Capone & Noreaga) si attachant. En 2000, le duo sort son second album, "The Reunion". Au début du meilleur titre de l’opus, 'Invincible', Noreaga lâche une phase incroyable. Quand j’ai saisi ce qu’il disait, j’ai dû me repasser le passage une bonne dizaine de fois pour être sûr d’avoir bien entendu.

"I can’t believe I fucked up and made a half-assed album" ("Je n’arrive pas à croire que j’aie déconné et fait un album naze")

Premier temps. Déjà dingue. Noreaga avoue que son album solo précédent, "Melvin Flynt – Da Hustler" était foireux. Je n’avais jamais entendu ce genre de confession dans le rap. Ni ailleurs. Il semble être le premier déçu, abasourdi par ce qu’il estime être un album à peine écoutable. "J’ai merdé", semble-t-il nous dire, et se dire à lui-même. Mais la suite est encore plus forte.

"My excuse is : my pop’s just died. And I ain’t wanna make music : my pop’s just died." ("Mon excuse : mon père venait de mourir. Et je n’avais plus envie de faire de musique : mon père venait de mourir.")

Deuxième temps. Non seulement Noreaga reconnaît ses torts, mais en plus il s’en excuse auprès de ses fans (pour info, la suite du couplet dit : "My fans stuck with me, my shit still went gold", c’est-à-dire : "Mes fans ont continué à me soutenir, mon truc a quand même fait disque d’or"). Mais il y a dans sa façon de le dire quelque chose de presque bouleversant. Je pense qu’il s’agit de la répétition de "My pop’s just died". Répétée et assénée comme une évidence, comme si Nore se trouvait face à un fan déçu lui demandant des comptes. Sans hausser la voix, presque sur le ton de la confidence. Pas besoin de crier pour toucher.

Il ne s’agit que de deux ou trois petites phrases perdues dans une carrière forte, à vue de nez, d’une grosse centaine de couplets. Mais elles méritent de résonner pour l’éternité dans la tête des auditeurs de rap, fans de Noreaga et de C-N-N ou non. Parce qu’une telle sincérité est rare. Même si elle n’empêcha pas que "The Reunion" soit aussi un "half-assed album".

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