lundi 25 février 2008

Aceyalone & RJD2 - Magnificent City (2006)


Chronique publiée sur le site Abcdrduson.com en juillet 2006.

D’un côté : Aceyalone, MC issu du mythique Project Blowed, tout d’abord membre de l’imposant Freestyle Fellowship, puis d’Haïku d’Etat (avec Abstract Rude et Mikah 9) et de la A-Team (aux côtés de ce même Abstract Rude). En solo, il affiche un classique au compteur (le terrible "All balls don’t bounce", sorti en 1995, donc millésimé), un bon album concept assez déroutant ("A book of human language") et plusieurs autres disques inégaux.

De l’autre côté : RJD2. Un cas. Révélé lors de la déferlante Def Jux des premières années du XXIème siècle, le producteur new-yorkais ne fait pas l’unanimité. Porté aux nues par certains après le coup d’éclat de "Deadringer" (2002), cloué au pilori par d’autres, RJD2 semble avoir principalement bénéficié du phénomène Def Jux pour se faire un nom.

L’album "Magnificent City" scelle l’association du rappeur californien et du beatmaker new-yorkais, déjà réunis le temps de deux morceaux sur le "Love and Hate" d’Aceyalone sorti en 2003. Une association d'autant plus étonnante qu'outre la distance qui les sépare, ces deux artistes semblent, au vu de leurs discographies respectives, évoluer dans des genres extrêmement différents. C’est avec un mélange de curiosité et d’appréhension que l’on aborde ce disque, oeuvre d’un tandem qui semble composé de deux hommes en fin de course.

Un premier point, rassurant : Aceyalone est toujours aussi bon. Ceux qui ont suivi la carrière de l’ex-Freestyle Fellowship ne seront pas surpris par les performances d’Acey, mais force est de constater qu’il a su conserver sa fraîcheur derrière le micro. Véritable caméléon, le MC californien fait montre d’une capacité d’adaptation à tout type d’instru appréciable, variant son flow, accélérant ou ralentissant le débit à sa guise, suivant les évolutions rythmiques et mélodiques des beats à merveille. Du storytelling ('Solomon Jones', 'Junior') à l’egotrip ('Fire') la plume du MC reste agréable à suivre. Il se fait néanmoins plus poussif lors d’une ode à la fumette ('High Lights') ou d’une étude des rapports humains ('Caged Bird', 'Heaven'). En dehors de ces quelques faux-pas et du monotone 'Solomon Jones', ce emceeing de qualité est le point fort de "Magnificent City".

En revanche, les productions souffrent de nombreuses lacunes. Pire, il arrive que la mayonnaise entre les raps d’Aceyalone et les beats de RJD2 ne prenne pas du tout. C’est là le principal souci de "Magnificent City", et il est de taille. L’inadéquation entre le rap "chaleureux" et jazzy du MC et les musiques parfois très "froides" du producteur est par moments flagrante. A l’instar de son quasi-homonyme star warsien, les instrus de RJD2 sonnent très mécaniques et robotiques, presque "forcés", manquant cruellement de vibe et de groove. L’utilisation de claviers planants à la Tangerine Dream ne convainc pas et provoque même un ennui profond ('A Sunday Mystery', la deuxième partie de 'A Beautiful Mine'). Le beatmaker s’embourbe dans l’électronique du mauvais 'Mooore', associe tant bien que mal un piano avec un gros riff de guitare électrique ('Heaven') ou peine à faire décoller les cuivres du pourtant prometteur 'Disconnected'. Quelques jolies réussites parsèment malgré tout l’album : un 'Cornbread, Eddie and me' à la fois brutal et aérien, et surtout le très bon 'Here and Now'. Mais le reste des sons signés RJD2 oscillent entre le quelconque, le moyen et le mauvais.

Au final, que retiendra-t-on de "Magnificent City" ? Quelques réussites incontestables, mais surtout beaucoup de gâchis et de coups dans l’eau. Et surtout la certitude qu’avec de meilleurs producteurs la carrière d’Aceyalone aurait pu (pourrait) prendre une toute autre ampleur. Le tandem accouche donc d’un album inégal et décevant qui, après un démarrage sympathique plonge l’auditeur dans des abysses d’ennui (la triplette fatale 'Mooore', 'Supahero', 'High Lights') pour le réveiller ensuite sporadiquement. On vous conseillera plutôt de vous rabattre sur les très bons "Grand Imperial" d'Aceyalone et "Things go better with RJ and Al" de Soul Position (RJD2 et Blueprint) sortis également cette année.

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