mercredi 27 février 2008

Promoe - The long distance runner (2004)


Chronique publiée sur le site Abcdrduson.com en novembre 2006.

"It's 2004 : last year Tony and George started the war of the whores. Same year and the year before, plus the year before that, me and the Troop were on constant tours."

Voilà de quoi planter le décor. En 2004, Promoe, membre le plus en vue de Looptroop (groupe suédois rappant en anglais), donne suite au très bon "Government Music" : "The Long Distance Runner", métaphore de son goût pour les tournées interminables et de sa conception du rôle du emcee – un porte-voix doublé d'un marathonien.

Les premières écoutes sont plutôt désarçonnantes, car si l'on sentait une très nette influence reggae chez Promoe, on ne s'attendait pour autant pas à ce qu'il explore cette voie de manière approfondie. Partiellement enregistré en Jamaïque, "The Long Distance Runner" baigne dans cette atmosphère, des lyrics à la rythmique, des gimmicks à la liste des invités – le crew Ward 21, Bushman et Anthony B notamment. En dehors de la surprise que suscitent certains titres, tous ces éléments concourent à assurer à Promoe la sympathie de l'auditeur : le MC suit ses envies artistiques, étonne, intrigue, développe une identité forte ; pas de doute, nous tenons là un artiste qui prend des risques. Certes, tout n'est pas réussi : 'In The Jungle' lasse rapidement, de même que 'Fast Food World' et 'Mah Grrrl', malgré un excellent premier couplet ; mais l’intention est là et c'est, dans ce cas, l’essentiel. Ayant clairement décidé de se faire plaisir, le MC suédois va jusqu’à s’offrir le luxe de reprendre le mythique 'Fit You Haffe Fit' de Black Uhuru. Bien qu'en deçà de l'original, le résultat est d'une efficacité redoutable.

Orientation artistique oblige, Embee (le beatmaker de Looptroop) est moins présent qu’à l'accoutumée. Mais s'il ne signe que trois instrus, ceux-ci sont reconnaissables dès les premières notes : enchevêtrements de samples courts, travail particulier sur les voix, kicks rebondissants comme des ballons de basket ou comme les balles de ping-pong de 'DM-87' ; hormis le décevant 'Calm Down', il fait mouche à chaque coup.

Outre l'habituel hymne aux graffiti-artists auquel Promoe nous a habitués ('These Walls Don't Lie', "palapapapapaaa"), les textes sont globalement contestataires, avec des tendances altermondialistes marquées : dénonciation José Bovesque de l'industrie alimentaire ('Fast Food World'), de la guerre en Irak ('KKKampain', déboulonnant la "novlangue" de la Maison Blanche), protest-songs et constats larges ('Justice', 'Dog Day Afternoon', 'Constant Consumption'). On pourra reprocher au MC l'angle d’attaque parfois trop généralisant voire presque naïf, mais ses qualités d'écriture et son flow énergique font passer ces remarques au second plan. Les morceaux plus légers, comme 'A Likkle Supm Supm', sont autant de réussites.

Œuvre d’un artiste suivant ses envies et profitant de ses escapades solo pour "tenter des choses", "The Long Distance Runner" est un très bon disque. Promoe mêle avec bonheur reggae et rap, toaste, change de flows (voir son terrible couplet sur 'Dog Day Afternoon' pour s’en convaincre), s'affranchit de son style habituel et prend ainsi l'auditeur à contre-pied – bref, il évolue. Surprenant puis convaincant, l'album se révèle au fil des écoutes être une franche réussite, quelques titres imparables ('These Walls Don't Lie', 'A Likkle Supm Supm', 'Fit You Haffe Fit', 'Long Distance Runner') et beaucoup de bons morceaux effaçant aisément les quelques déceptions.

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